lundi 21 mai 2012

Le cinéma malien

Le cinéma africain a de beaux jours devant lui, et de nombreux réalisateurs talentueux nous font découvrir leur pays sous un angle inédit.


Les pays les plus dynamiques dans le domaine sont l’Egypte, le Nigéria et le Maroc. Les studios égyptiens produisent de nombreuses séries, diffusés principalement au Maghreb et au Moyen Orient tandis que Nollywood, le Hollywood nigérian, est depuis 2009 la deuxième puissance cinématographique du Monde en termes de films réalisés avec quelques 2000 films produits annuellement, et 150 millions de spectateurs. Il dépasse même les Etats-Unis (!) et seconde l’Inde….et oui à chaque continent son laboratoire !
Dans cet article, nous allons nous pencher sur le cinéma ouest africain, et plus particulièrement sur le cinéma malien.
Les cinéastes de ce grand pays désertique traversé par le fleuve Niger, loin de bénéficier de la fortune du cinéma nigérian, sont pourtant déjà largement reconnus. Souleymane Cissé, Adama Drabo et Cheick Oumar Sissoko ont ainsi tous reçu des distinctions au Festival de Cannes et dans bien d’autres rencontres internationales du film. Ces derniers traitent des tabous de la société malienne ; ils dénoncent, racontent, rêvent…et nous transportent dans leurs univers.
Le cinéma malien est né à l’indépendance du pays en 1960. Dès lors il est le miroir de la société et analyse, voir dénonce, les différents régimes politique à l’instar du film « Toiles d’araignée » d’Ibrahima Ly qui revient sur la dictature militaire des années 1970.
Les maliens vont faire du 7ème art un contre-pouvoir, il leur permet d’affirmer leur indépendance et de marquer leur volonté de changement. Changement politique avec le refus des régimes autoritaires (« Yeleen » de Cissé), changement sociaux avec la revendication du droit des femmes (« Tafé Fanga, le pouvoir du pagne » de Drabo), ou encore changement économique avec la vive critique du Fond Monétaire Mondial dans « Bamako » d’Abderrahmane Sissako.
Mais découvrons ensemble quelques-uns des cinéastes maliens les plus prolifiques :

Souleymane Cissé
Eléments biographiques :
Cinéaste malien né le 21 avril 1940 à Bamako, Souleymane Cissé est passionné de cinéma dès son enfance. Il obtient une bourse pour suivre ses études de cinéma à l’Institut des Hautes Etudes Supérieures de la Cinématographie de Moscou et s’envole pour la Russie. Il en sort diplômé en 1969.


Cissé est l’un des réalisateurs maliens les plus connus, notamment grâce à son film « Min Yé », sorti en 2009 et présenté au Festival de Cannes la même année. Ce film traitant de la polygamie, de l’adultère et de la relation homme/femme rencontre un vif succès. Mais «Min Yé » dérange, et pour l’anecdote son ami Martin Scorsese (oui madame !) aurait fait remarquer à Souleymane Cissé que son film gênait. Ce dernier se serait alors esclaffé et lui aurait répondu « et ton film, La Tentation du Christ, il était dérangeant aussi non ? »


Focus film :
En 1975, Cissé réalise son premier long métrage, en bambara, « Den Muso (La Jeune fille) » à propos d’une jeune fille muette violée par un chômeur. Enceinte, elle subit le rejet de sa famille et du père de l’enfant qui refuse de le reconnaître.
Souleymane Cissé a ainsi expliqué sa démarche : "J’ai voulu exposer le cas des nombreuses filles-mères rejetées de partout. J’ai voulu mon héroïne muette pour symboliser une évidence : chez nous, les femmes n’ont pas la parole". Non seulement le film est interdit par le ministre malien de la culture mais Souleymane Cissé est arrêté et emprisonné pour avoir accepté une coopération française. Le brûlot restera interdit pendant trois ans et n’obtiendra son visa d’exploitation qu’en 1978.



Cheick Oumar Sissoko
Eléments biographiques :
Cinéaste et homme politique malien, né en 1945 à San, il ira faire ses études en France. Étudiant à Paris, Cheick Oumar Sissoko obtient un DEA d’histoire et sociologie africaine et un diplôme de l’École des hautes études en sciences sociales, en histoire et cinéma. Il suit ensuite des cours de cinéma à l’École nationale supérieure Louis-Lumière.
De retour au Mali, il est engagé comme réalisateur au Centre national de la production cinématographique (CNPC). Son premier film, « L’école malienne » sortira en 1982.


Focus film : « La Genèse », sorti en 1999
Prix RFI Cinéma du public au Fespaco en 2001



Sadio Simaga
Eléments biographiques : Diplômée en sociologie, Sadio Simaga commence le cinéma en tant que figurante dans des films puis elle est recrutée comme script par le réalisateur malien Boubacar Sidibé sur le plateau de tournage du film « Les rois de Ségou ».
Depuis la réalisatrice malienne a fait ses preuves. En effet le court métrage « Les 50 ans du cinéma en Afrique de l’Ouest » a été sélectionné en 2011 au Festival de Cannes et la réalisatrice a remporté de nombreuses récompenses en Europe et en Afrique pour l’ensemble de son œuvre.


Focus film : A travers le documentaire "Les 50 ans du cinéma en Afrique de l'ouest" des acteurs du 7ème art s'interrogent sur le bilan exhaustif d'un cinéma ouest africain en manque de soutien financier et d'appui politique, tout en gardant espoir en l'avenir.
Extrait du film "Les 50 ans du cinéma en Afrique de l'Ouest"


Abderrahmane Sissako
Eléments biographiques :
Abderrahmane Sissako est né en Mauritanie, pourtant très tôt sa famille émigre au Mali, pays dans lequel il grandira.A partir de 1983, il suit à Moscou les cours du célèbre VGIK, l'Institut fédéral d'Etat du cinéma, où il finalisera ses deux premiers courts métrages : « Le jeu » et « Octobre ». Ce dernier film sera d’ailleurs présenté en 1993 dans la section "Un certain regard" du Festival de Cannes.
En 1998, dans le cadre de la collection "2000 vu par?", il tourne « La Vie sur Terre », où il interprète lui-même un cinéaste vivant en France et qui, à la veille de l'an 2000, part pour Sokolo, le village malien où vit son père.
Sélectionné dans nombre de festivals internationaux et notamment à Cannes où il obtient le prix de la critique internationale, le film reçoit également l'Etalon de Yennenga du Fespaco de Ouagadougou ainsi que le Grand Prix de la Biennale des cinémas arabes de Paris.


Focus film : En 2006, dans la maison de son père au Mali, il tourne « Bamako », où il met en scène un procès des institutions internationales face aux injustices que subit l'Afrique. Sélectionné hors compétition au Festival de Cannes 2006, ce film a obtenu le Grand Prix du Public aux Rencontres Paris Cinéma.


Malgré la profusion de talents, les réalisateurs maliens font face à de nombreux problèmes, et notamment au manque chronique de moyens. Faire un film coute (très) cher et il est difficile de trouver des financements.
Toutefois le centre national du Mali (CNCM) dispose de matériel technique et de techniciens spécialisés. Il est dynamique et soutient les réalisateurs dans leurs projets. Les nouvelles technologies numériques permettent également de faire des métrages de meilleure qualité à moindre cout, favorisant la créativité malienne.


Autre problème au Mali, l’accès à la culture. Il n’y a pratiquement plus de salles de cinéma dans le pays, à Bamako seul le cinéma Babemba et le centre culturel français diffusent régulièrement des films.
Cheick Oumar Sissoko nous dit ainsi : «Ce n’est plus un art, un loisir que l’on va chercher, que l’on va admirer dans les salles de cinéma, parce qu’elles n’existent pas. Le public doit avoir cette exigence de voir les films. Ils leurs permettent de voyager, d’aller à l’encontre de l’autre. En même temps, nos films africains nous permettent de mieux comprendre notre continent, et de mieux connaître les façons de vivre de nos sociétés. Il faut que les africains militent pour avoir des salles de cinéma. Les films vus sur le petit écran son complètement, différents lorsqu’on les voie sur les grands écrans. C’est une occasion de sortir, de discuter avec les gens, de se frotter aux autres et de mieux renforcer la diversité culturelle de notre pays. Il faut que le public nous soutienne en allant voir ces films dans les salles de ciné, et qu’il arrête de payer les films piratés. »[1]

Retrouvez cet article sur le blog d'Out Of The G, association française de production et de diffusion d'oeuvres audiovisuelles. http://outoftheg.wordpress.com/2012/05/24/le-cinema-malien/

[1] Source : Journaldumali.com http://www.journaldumali.com/article.php?aid=564

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