samedi 5 mai 2012

La situation au Mali

La situation au Mali ? Ce qui est fou c’est que le pays avait la réputation d’être un des plus stables d’Afrique et sans doute le plus accueillant. Pour la stabilité c’est raté, pour le reste…cela reste intacte.

Les problèmes principaux du Mali sont sa taille (1 341 000 km2) et sa situation géographique. Difficile de gouverner un Etat si grand sans moyens, d’autant plus quand la moitié du territoire est un désert et qu’il n’y a aucun accès à la mer!
Toutes les denrées ou presque viennent d’Abidjan et de Dakar, les deux grands ports commerciaux de la région. «La Côte d'Ivoire est le premier corridor par lequel le Mali s'approvisionne. Il contrôle, à lui tout seul, plus de la moitié du trafic des marchandises générales et d'hydrocarbures» [1]

La conséquence directe de cet état de fait est un prix à la consommation bien plus élevé au Mali que dans les pays limitrophes, et une dépendance accrue à la Côte d’Ivoire et au Sénégal.

Le Mali était / est alors le terreau rêvé d’une croissance des revendications politiques, sociales et religieuses…et de révolutions telles qu’on a pu en voir en 2011 au Moyen Orient et au Maghreb.

1.       Les Touaregs & leurs revendications
Les Touaregs sont des nomades, des hommes libres pour qui tracer des lignes dans le sable n’a pas de sens. Ils ont sensiblement les mêmes revendications dans tous les pays qu’ils traversent : ils veulent pouvoir circuler librement dans le Sahara, pouvoir perpétrer leur mode de vie et conserver leur culture.
         Comme souvent les populations nomades sont marginalisées (à l’instar des Roms en France) et les Touaregs du Mali n’échappent pas à la règle. Cette minorité a peu – voir pas du tout – été intégrée aux décisions politiques depuis l’indépendance du pays en 1960. « Il y a eu une première rébellion en 1960, puis en 1990. […] Les Touaregs estiment qu’ils n’ont pas la place qui leur revient au niveau politique et économique en terme de partage du pouvoir. Ils veulent être considérés comme des citoyens et cette reconnaissance passe par une décentralisation du pouvoir qui leur permettrait de gérer leurs affaires. Ils pensent que c’est la meilleure manière de désamorcer les tensions.»[2]



Le désir de reconnaissance des Touaregs ne trouvant écho au Mali par des moyens pacifiques...ils ont pris les armes et veulent faire de Tombouctou leur capitale.

2.       Tombouctou et sa région
         Tombouctou est un centre culturel majeur dans l’Islam, surnommée « la perle du désert », la ville fascine depuis des siècles.
Quand les musulmans étaient astronomes, médecins, scientifiques, musiciens…les européens vivaient alors en plein Moyen Age et n’avait rien à envier à l’Empire du Mali, alors l’un des plus prospère du Monde.
L’empire du Mali fut créé par Sundjata Keita en 1230. « S'étendant du fleuve Niger à l'Atlantique, l'Empire se situe sur les territoires actuels du Mali, du Niger, de Sénégambie, de Guinée et de Mauritanie. Grâce aux richesses en or, le pays prospère rapidement et […] va attirer de nombreux scientifiques de tout le monde arabe. Des universités se créent et permettent des avancées scientifiques majeures, surtout dans les domaines de l'arithmétique et de l'astronomie.
Les villes commerçantes de Tombouctou et Djenné, alors aux portes du Sahara, deviennent des centres culturels connus de tout l'Ancien Monde. En outre, les commerçants maliens exportent leurs produits le long de la Route de la Soie, en Arabie, en Inde et jusqu'en Chine. »[3]
Dotée de la prestigieuse université coranique de Sankoré, Tombouctou était aux XVe et XVIe siècles une capitale intellectuelle et spirituelle et un centre de propagation de l'islam en Afrique. Ses trois grandes mosquées (Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia) témoignent de son âge d'or.

La différence notable entre le Tombouctou traditionnel et le conflit actuel, est le passage par la force d’un « conservatisme » à un « extrémisme » par des groupes armés.

L'Histoire de Tombouctou nous aide à comprendre son importance aux yeux des indépendantistes. Elle est le symbole de l'islamisation de la sous région et de l'Age d'Or arabe, ce qui en fait une capitale parfaite.

Toutefois, la rébellion des "hommes bleus" n'aurait pas pris cette ampleur sans un détonateur. Et ce détonateur est incontestablement la crise libyenne.

3.       Kadhafi & le Mali
Kadhafi était un mécène particulièrement important au Mali, et y reste très populaire. Les sociétés libyennes ont investies des milliards dans le pays ; MALIBYA exploite ainsi plus de 100 000 hectares de terres tandis que les sociétés immobilières rachètent et rénovent les meilleurs hôtels de Bamako à l’instar de l’hôtel Amitié, du Mariatou Palace ou encore du Kempinsky Palace.
La preuve de sa popularité se voit encore sur les ‘Jakarta’ ces motos bon marché qu’on voit partout dans la capitale. En effet, comme à chaque malien sa Jakarta, il faut pouvoir la reconnaitre!! On voit donc très souvent des autocollants à l’effigie de Kadhafi apparaitre, l’ex-dictateur est même en bonne position pour détrôner Thomas Sankara[4] !!

Manifestation de soutien au régime de Kadhafi à Bamako
25/03/2011

Vous l’avez compris les liens entre la Libye et le Mali sont étroits.
Tellement étroits qu'à la suite du renversement du régime de Kadhafi, la donne à complétement changée. Le Mali perdait un partenaire essentiel de son développement et les armes des « révolutionnaires libyens » ont grassement alimenté la crise au Nord. Il ne fallait  plus qu'une goutte d'eau...

4.       Le vase déborde
Revendications indépendantistes, armes, destabilisation régionale et mercenaires font rarement bon ménage.
L’armée malienne avait déjà du mal à maitriser les tensions. Ces armes supplémentaires n’ont fait qu’aggraver la situation et le massacre de 70 soldats le 24 janvier 2012 n’a rien arrangé. Plus tard, on apprit que les militaires en question n’avaient pas de munitions et que les renforts qu’ils avaient appelés ne sont jamais arrivés à destination…faute de carburant (!).
Ces morts ont scandalisé l’opinion publique, et au lendemain du massacre, les mères des soldats tués ont organisé une grande manifestation à Bamako dans le but de faire réagir les politiques et d’affecter plus de moyens au règlement du 'problème du Nord'.
Amadou Toumani Touré (ATT) ne s’est jamais vraiment impliqué dans la résolution de ce conflit et est toujours resté passif voir laxiste. Il était difficile d’imaginer qu’il allait changer de politique à quelques mois de la fin de son mandat. « Laissons les problèmes aux prochains locataires du palais présidentiel » devait-il sans doute se dire.
Les revendications portées par les mères de famille ont trouvé échos chez les militaires, et le 21 mars ils ont demandé à être entendu. Manque de chance, ATT ne les a pas pris au sérieux et ne leur a pas proposé d'alternative. Le coup d’Etat à presque été improvisé, les militaires de la base de Kati n’ont pas supporté l’affront d’ATT et ont renversé le pouvoir…

5.       La situation actuelle
Aujourd’hui la vie à Bamako est calme,  à la différence près que la population sort moins le soir. La rue « Bla Bla », où l’ambiance est d’habitude des plus festives, s’est vidée et les restaurants / hôtels ferment les uns après les autres. Etrangement il n’y a pas trop de touristes ces temps-ci (!) et toute cette frange de l’économie s’écroule visiblement.
Les sorties sont limitées et pour cause, des militaires coupent les routes à l’improviste à partir de 19/20h et fouillent les voitures à la recherche de ‘dissidents’. Ces deux dernières semaines nous nous sommes faits systématiquement arrêtés dès que nous sortions en voiture la nuit tombée, avec au programme contrôle des papiers du véhicule et des titres de séjour. Nous n’avons pas eu de problème ; généralement un sourire, une blague et (accessoirement) un petit billet suffisent à calmer les ardeurs.

Toutefois nous avons eu vent de tirs sur des voitures qui ne s’étaient pas arrêtées aux barrages, prudence donc.

Idem, des militaires sont postés devant l’école pour protéger les enfants « au cas où ». Bon, en l’occurrence ces hommes en Rangers sont plus là pour boire du thé, mais cela montre un vrai changement d’état d’esprit dans la ville.
En conclusion nous pouvons dire que nous n’avons jamais été en danger depuis le coup d’Etat, les militaires ont des objectifs clairs et ne cherchent à arrêter que les proches de l’ancien gouvernement. Il est cependant évident qu’ils veulent montrer au bamakois qu’ils contrôlent la ville et que le Mali a pris un tournant…
Affiche d'un artiste anonyme présente un peu partout dans Bamako

Sources :
·         Le Temps, Rubrique « L’avis de l’expert » paru le  24/04/2012  - « La rébellion touareg du Mali au-delà des clichés » par André Chappatte
·         Site Internet officiel de l’UNESCO, page consacrée à la ville de Tombouctou http://whc.unesco.org/fr/list/119
·         Article du Slate Afrique paru le 27/04/2012 – « Mali : qui sont les Touaregs noirs ? »  par Fabien Offner. http://www.slateafrique.com/86405/qui-sont-les-touaregs-noirs-mali-mnla






[2] Se référer à l’article paru le 31/07/2007 dans Afrik.com http://www.afrik.com/article12377.html
[4] Thomas Sankara a dirigé le Burkina Faso de 1983 jusqu’à son assassinat en 1987 . On l’appel de « Che » africain puisqu’il s’est fermement opposé à l’influence occidentale et à la France-à-fric. Il est devenu depuis une icône de la lutte contre la corruption et de la lutte contre la pauvreté. http://www.thomassankara.net/

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