La situation
au Mali ? Ce qui est fou c’est que le pays avait la réputation d’être
un des plus stables d’Afrique et sans doute le plus accueillant. Pour la
stabilité c’est raté, pour le reste…cela reste intacte.
Les Touaregs sont des nomades, des
hommes libres pour qui tracer des lignes dans le sable n’a pas de sens. Ils ont
sensiblement les mêmes revendications dans tous les pays qu’ils traversent :
ils veulent pouvoir circuler librement dans le Sahara, pouvoir perpétrer leur
mode de vie et conserver leur culture.
La différence notable entre le Tombouctou traditionnel et le conflit actuel, est le passage par la force d’un « conservatisme » à un « extrémisme » par des groupes armés.
L'Histoire de Tombouctou nous aide à comprendre son importance aux yeux des indépendantistes. Elle est le symbole de l'islamisation de la sous région et de l'Age d'Or arabe, ce qui en fait une capitale parfaite.
Toutefois, la rébellion des "hommes bleus" n'aurait pas pris cette ampleur sans un détonateur. Et ce détonateur est incontestablement la crise libyenne.
Sources :
Les problèmes principaux du Mali sont sa taille (1 341 000
km2) et sa situation géographique. Difficile de gouverner un Etat si grand sans
moyens, d’autant plus quand la moitié du territoire est un désert et qu’il n’y
a aucun accès à la mer!
Toutes les denrées ou presque viennent d’Abidjan et
de Dakar, les deux grands ports commerciaux de la région. «La Côte d'Ivoire est
le premier corridor par lequel le Mali s'approvisionne. Il contrôle, à lui tout
seul, plus de la moitié du trafic des marchandises générales et d'hydrocarbures» [1]
La conséquence directe de cet état de fait est un
prix à la consommation bien plus élevé au Mali que dans les pays limitrophes,
et une dépendance accrue à la Côte d’Ivoire et au Sénégal.
Le Mali était / est alors le terreau rêvé d’une
croissance des revendications politiques, sociales et religieuses…et de
révolutions telles qu’on a pu en voir en 2011 au Moyen Orient et au Maghreb.
1. Les Touaregs & leurs revendications
Comme souvent
les populations nomades sont marginalisées (à l’instar des Roms en France) et
les Touaregs du Mali n’échappent pas à la règle. Cette minorité a peu – voir pas du tout
– été intégrée aux décisions politiques depuis l’indépendance du pays en
1960. « Il y a eu une première rébellion en 1960, puis en 1990. […]
Les Touaregs estiment qu’ils n’ont pas la place qui leur revient au niveau
politique et économique en terme de partage du pouvoir. Ils veulent être
considérés comme des citoyens et cette reconnaissance passe par une
décentralisation du pouvoir qui leur permettrait de gérer leurs affaires. Ils
pensent que c’est la meilleure manière de désamorcer les tensions.»[2]
Le désir de reconnaissance des Touaregs ne trouvant écho au Mali par des moyens pacifiques...ils ont pris les armes et veulent faire de Tombouctou leur capitale.
2. Tombouctou et sa région
Tombouctou est
un centre culturel majeur dans l’Islam, surnommée « la perle du désert »,
la ville fascine depuis des siècles.
Quand les
musulmans étaient astronomes, médecins, scientifiques, musiciens…les européens
vivaient alors en plein Moyen Age et n’avait rien à envier à l’Empire du Mali,
alors l’un des plus prospère du Monde.
L’empire
du Mali fut créé par Sundjata Keita en 1230. « S'étendant du fleuve Niger
à l'Atlantique, l'Empire se situe sur les territoires actuels du Mali, du
Niger, de Sénégambie, de Guinée et de Mauritanie. Grâce aux richesses en or, le
pays prospère rapidement et […] va attirer de nombreux scientifiques de tout le
monde arabe. Des universités se créent et permettent des avancées scientifiques
majeures, surtout dans les domaines de l'arithmétique et de l'astronomie.
Les villes
commerçantes de Tombouctou et Djenné, alors aux portes du Sahara, deviennent
des centres culturels connus de tout l'Ancien Monde. En outre, les commerçants
maliens exportent leurs produits le long de la Route de la Soie, en Arabie, en
Inde et jusqu'en Chine. »[3]
Dotée de la
prestigieuse université coranique de Sankoré, Tombouctou était aux XVe
et XVIe siècles une capitale intellectuelle et spirituelle et un
centre de propagation de l'islam en Afrique. Ses trois grandes mosquées
(Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia) témoignent de son âge d'or.
La différence notable entre le Tombouctou traditionnel et le conflit actuel, est le passage par la force d’un « conservatisme » à un « extrémisme » par des groupes armés.
L'Histoire de Tombouctou nous aide à comprendre son importance aux yeux des indépendantistes. Elle est le symbole de l'islamisation de la sous région et de l'Age d'Or arabe, ce qui en fait une capitale parfaite.
Toutefois, la rébellion des "hommes bleus" n'aurait pas pris cette ampleur sans un détonateur. Et ce détonateur est incontestablement la crise libyenne.
3. Kadhafi & le Mali
Kadhafi était
un mécène particulièrement important au Mali, et y reste très
populaire. Les sociétés libyennes ont investies des milliards dans le pays ;
MALIBYA exploite ainsi plus de 100 000 hectares de terres tandis que les
sociétés immobilières rachètent et rénovent les meilleurs hôtels de Bamako à l’instar
de l’hôtel Amitié, du Mariatou Palace ou encore du Kempinsky Palace.
La preuve de sa popularité se voit encore sur les ‘Jakarta’
ces motos bon marché qu’on voit partout dans la capitale. En effet, comme
à chaque malien sa Jakarta, il faut pouvoir la reconnaitre!! On voit donc très souvent des autocollants à l’effigie de
Kadhafi apparaitre, l’ex-dictateur est même en bonne position pour détrôner Thomas
Sankara[4] !!
Manifestation de soutien au régime de Kadhafi à Bamako 25/03/2011 |
Vous l’avez compris les liens entre la Libye et le
Mali sont étroits.
Tellement étroits qu'à la suite du renversement du régime de
Kadhafi, la donne à complétement changée. Le Mali perdait un partenaire essentiel de son développement et les armes des « révolutionnaires libyens » ont grassement alimenté la crise au Nord. Il ne fallait plus qu'une goutte d'eau...
4. Le vase déborde
Revendications
indépendantistes, armes, destabilisation régionale et mercenaires font rarement bon ménage.
L’armée
malienne avait déjà du mal à maitriser les tensions. Ces armes supplémentaires
n’ont fait qu’aggraver la situation et le massacre de 70 soldats le 24
janvier 2012 n’a rien arrangé. Plus tard, on apprit que les militaires en
question n’avaient pas de munitions et que les renforts qu’ils avaient appelés
ne sont jamais arrivés à destination…faute de carburant (!).
Ces morts ont
scandalisé l’opinion publique, et au lendemain du massacre, les mères des
soldats tués ont organisé une grande manifestation à Bamako dans le but de
faire réagir les politiques et d’affecter plus de moyens au règlement du 'problème du Nord'.
Amadou Toumani
Touré (ATT) ne s’est jamais vraiment impliqué dans la résolution de ce conflit
et est toujours resté passif voir laxiste. Il était difficile d’imaginer qu’il
allait changer de politique à quelques mois de la fin de son mandat.
« Laissons les problèmes aux prochains locataires du palais
présidentiel » devait-il sans doute se dire.
Les
revendications portées par les mères de famille ont trouvé échos chez les
militaires, et le 21 mars ils ont demandé à être entendu. Manque de chance, ATT
ne les a pas pris au sérieux et ne leur a pas proposé d'alternative. Le coup d’Etat à presque été improvisé, les
militaires de la base de Kati n’ont pas supporté l’affront d’ATT et ont
renversé le pouvoir…
5.
La situation
actuelle
Aujourd’hui la vie à Bamako est
calme, à la différence près que la
population sort moins le soir. La rue « Bla Bla », où l’ambiance est
d’habitude des plus festives, s’est vidée et les restaurants / hôtels ferment
les uns après les autres. Etrangement il n’y a pas trop de touristes ces temps-ci
(!) et toute cette frange de l’économie s’écroule visiblement.
Les sorties sont limitées et pour cause, des militaires coupent les
routes à l’improviste à partir de 19/20h et fouillent les voitures à la
recherche de ‘dissidents’. Ces deux dernières semaines nous nous sommes faits
systématiquement arrêtés dès que nous sortions en voiture la nuit tombée, avec
au programme contrôle des papiers du véhicule et des titres de séjour. Nous n’avons
pas eu de problème ; généralement un sourire, une blague et
(accessoirement) un petit billet suffisent à calmer les ardeurs.
Toutefois nous avons eu vent de tirs sur des voitures qui ne s’étaient
pas arrêtées aux barrages, prudence donc.
Idem, des militaires sont postés
devant l’école pour protéger les enfants « au cas où ». Bon, en l’occurrence
ces hommes en Rangers sont plus là pour boire du thé, mais cela montre un vrai
changement d’état d’esprit dans la ville.
En conclusion nous pouvons dire
que nous n’avons jamais été en danger depuis le coup d’Etat, les militaires ont
des objectifs clairs et ne cherchent à arrêter que les proches de l’ancien gouvernement.
Il est cependant évident qu’ils veulent montrer au bamakois qu’ils contrôlent la
ville et que le Mali a pris un tournant…
Affiche d'un artiste anonyme présente un peu partout dans Bamako |
Sources :
·
Le Temps, Rubrique « L’avis de l’expert »
paru le 24/04/2012 - « La rébellion touareg du Mali
au-delà des clichés » par André Chappatte
·
Site Internet officiel
de l’UNESCO, page consacrée à la ville de Tombouctou http://whc.unesco.org/fr/list/119
·
Article du Slate Afrique
paru le 27/04/2012 – « Mali : qui sont les Touaregs
noirs ? » par Fabien
Offner. http://www.slateafrique.com/86405/qui-sont-les-touaregs-noirs-mali-mnla
[1] Se
référer à l’article paru le 27/01/2011 sur Fratmat.info http://www.fratmat.info/accueil/economie/6964-crise-ivoirienne--les-prix-flambent-au-mali-et-au-burkina.html
[4] Thomas
Sankara a dirigé le Burkina Faso de 1983 jusqu’à son assassinat en 1987 . On l’appel de « Che »
africain puisqu’il s’est fermement opposé à l’influence occidentale et à la France-à-fric.
Il est devenu depuis une icône de la lutte contre la corruption et de la lutte
contre la pauvreté. http://www.thomassankara.net/
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